Contribution tardive au débat sur l’avenir

Par Yves Cochet, Député Vert de Paris


Dans le cadre des travaux du Conseil national des Verts consacré le 7 février à l’avenir d’Europe-écologie, « Nous sommes en marche » a eu connaissance de la contribution d’Yves Cochet, Député Vert de Paris. Il nous a paru opportun de la porter à la connaissance des lecteurs du blog.

A l’approche du 22 mars 2010, chacun s’interroge sur les suites du rassemblement Europe Écologie. Les textes qui circulent abordent les types et calendriers de structuration future du rassemblement et, parfois, les options stratégiques envisageables pour les élections présidentielles et législatives de 2012. Certains papiers, ou certains messages qui les commentent sur différentes listes de discussion, argumentent en faveur de tel type de structuration contre tel autre type, ou en faveur de telle option stratégique pour 2012 et contre telle autre. Tout cela est normal et sain, bien que, aujourd’hui, notre dynamisme doive surtout être au service de la campagne des élections régionales.

Avant de choisir la structuration, le calendrier, et la stratégie pour 2012, il me semble utile d’examiner, en amont, quelques conditions de viabilité de tout rassemblement durable et autonome, au-delà d’une simple comptabilité coûts/bénéfices pour comparer les choix possibles. J’énoncerai trois conditions indispensables, assez contradictoires avec l’humeur individualiste et libérale contemporaine : la première est un principe reconnu d’autorité (1), la seconde une frontière claire entre membres et non-membres (2), la troisième un moment fondateur effervescent(3).

1) Les communautés religieuses, les associations, les mouvements syndicaux, les partis politiques et autres groupes durables et autonomes de citoyens possèdent tous une organisation acceptée, une autorité reconnue, qui se décline en statuts, règlements, architecture, modes de délibération et de décision… auxquels les membres consentent pour autant qu’ils estiment que tout ceci est au service de la cause commune, souvent décrite à l’article 1 de l’institution en question. Il y donc là deux niveaux : l’un, pratique, concerne les règles du vivre-ensemble ; l’autre, idéologique, concerne la transcendance vers laquelle les membres se projettent. Il faut aussi que chaque membre pense que les autres membres acceptent, comme eux, cette autorité : le consentement (à la soumission à l’autorité) n’est pas accordé sous la forme d’une addition de volontés individuelles, mais comme la résultante collective de la croyance de chacun en la soumission de tous les autres. Voilà pour la durabilité du groupe. La conséquence pratique est : Europe Ecologie est un rassemblement de personnes adhérant individuellement par l’acte symbolique et matériel de la cotisation. Ce ne peut pas être un cartel ou une fédération d’organisations.

2) Tout groupe autonome détermine lui-même ses propres conditions d’appartenance : il inclut les uns, il exclut les autres, nécessairement. Parce qu’il y a des individus qui n’acceptent pas les règles pratiques du vivre-ensemble que se donne le groupe, ou qui contestent le bien-fondé de la cause décrite à l’article 1 (et, plus longuement, dans le manifeste fondateur). Une organisation politique telle qu’Europe Ecologie est en concurrence démocratique avec d’autres organisations politiques, munies d’autres règles et d’autres idéaux, fondés sur d’autres analyses. L’autonomie se fonde au travers du regard des tiers, les individus non-membres. Pour durer et être autonome, Europe Ecologie doit être un groupe social dont les membres se reconnaissent entre eux et sont reconnus par les tiers comme lui appartenant. La conséquence pratique est : un membre d’Europe Ecologie ne peut appartenir à une autre organisation politique.

3) Les liens qui unissent les membres ne résident pas principalement dans les froides remarques précédentes. Ils sont constitués d’un mélange plus subtil de sens de l’engagement, de concepts, de valeurs et d’objectifs communs, de connexions émotionnelles et de confiance. Nous sommes ensemble parce que nous nous reconnaissons dans un grand récit écologiste. Nous sommes disposés à consacrer du temps, à faire des efforts, à dépenser notre énergie émotionnelle parce que nous donnons ainsi du sens à notre vie. Ce sens est issu d’un événement inaugural, d’un moment effervescent, qui précipite chimiquement les liens des participants à l’événement, ou bien, pour ceux qui n’y seraient pas présents, qui s’érige en mythe fondateur, en fable primordiale. Ce genre d’instant fusionnel a existé pendant les Journées d’été des Verts, à Toulouse, en 2008, lorsque tous basculèrent dans la croyance au rassemblement des écologistes sous le label Europe Ecologie, effaçant ainsi en quelques heures la motion du Cnir du 15 juin 2008 qui appelait à des listes européennes « Vertes et ouvertes ». Une soirée mémorable pour ceux qui l’ont vécue, une légende magnétique pour les absents. Cet événement a suffit à lancer la campagne des élections européennes ; les résultats du 7 juin 2009 suffiront peut-être pour espérer de bons scores au élections régionales de mars 2010, mais il manque une catharsis, un dépassement, une métamorphose pour pérenniser notre nouvelle offre politique. La conséquence pratique est : un Congrès fondateur avant la fin de l’année 2010.

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